
Sommaire
Les murs de cisaillement simples (single shear walls, SSW) sont couramment intégrés dans les bâtiments de moyenne et grande hauteur pour résister aux forces sismiques, mais subissent souvent des déformations importantes après des tremblements de terre. Cet article explore les composites en polymères renforcés de fibres (PRF) collés en surface (Externally Bonded Fiber Reinforced Polymer, EB-FRP). L'approche vise à améliorer la résistance sismique des SSW en réduisant les déplacements résiduels et en améliorant les capacités d’auto-centrage. L’étude de bâtiments à Vancouver et à Montréal, où les conditions sismiques varient, nous a permis d’évaluer l’efficacité de différentes techniques de renforcement à l’aide de EB-FRP. Les résultats révèlent que l’application de composites EB-FRP peut réduire considérablement les déformations résiduelles après séisme. Ainsi, la technologie EB-FRP peut offrir une solution rentable et peu invasive pour améliorer la résilience sismique et l’auto-centrage des constructions existantes.
Introduction
Les séismes sont une grande menace pour les bâtiments situés dans les zones sismiques, en particulier dans des villes comme Vancouver et Montréal, où la nature des événements sismiques diffère considérablement [1]. Les murs de cisaillement simples (SSW) sont un élément de contreventement clé dans la conception structurelle des bâtiments de moyenne et grande hauteur, car ils offrent une résistance essentielle aux forces latérales générées par les séismes. Cependant, l’un des principaux problèmes des SSW est qu’ils peuvent subir des déformations permanentes après un événement sismique, en particulier près de la base où se situe la zone de plastification. Ces déplacements affectent non seulement la sécurité du bâtiment, mais exigent également des réparations, des remplacements et des temps d’arrêt coûteux [2].
Pour résoudre ces problèmes, améliorer la résistance sismique des bâtiments est devenu un point crucial de l’ingénierie moderne [3]. Les composites EB-FRP [4] offrent une solution prometteuse. Ces matériaux connus pour leur résistance, leur durabilité et leur facilité d’application [5] sont collés à la surface des murs de cisaillement existants afin d’améliorer leur performance pendant et après les séismes.
Notre étude porte sur deux environnements sismiques distincts : Vancouver, où on retrouve des événements sismiques de longue durée et de basse fréquence, et Montréal, où les événements plus courts et à plus haute fréquence prédominent. Grâce à une série d’analyses temporelles non linéaires (nonlinear time history, NLTH), nous avons pu étudier l’efficacité de trois configurations de renforcement EB-FRP. Nous avons évalué leur capacité à réduire le rapport de déplacement entre étages (inter-story drift ratio, IDR) et le rapport de déplacement résiduel entre étages (residual inter-story drift ratio, RIDR). Tous deux sont représentatifs de la déformation résiduelle le long du mur et, par conséquent, des indicateurs de performance de l’auto-centrage.
EB-FRP pour améliorer la résistance sismique des murs de cisaillement
Dans cette étude, nous avons analysé deux paires de bâtiments de 20 et 15 étages, chacune située à Vancouver et à Montréal. Ces villes représentent deux zones sismiques canadiennes distinctes, ce qui permet de comparer les performances des EB-FRP sous différents types d’activité sismique. Les murs ont été conçus conformément aux codes sismiques canadiens en vigueur et des analyses NLTH ont permis de simuler leur réponse à des données sismiques réelles.
Nous avons appliqué trois types différents de renforcement aux murs, illustrés à la figure 1.
- R1-SSW : Couches verticales d’EB-FRP appliquées aux deux côtés du mur, et enveloppe supplémentaire autour du mur pour améliorer la capacité de flexion.
- R2-SSW : Feuilles verticales d’EB-FRP appliquées aux extrémités du mur, avec deux couches couvrant 15 % de la longueur du mur et une autre couche s’étendant de la base au sommet.
- R3-SSW : Approche la plus complète – trois couches verticales d’EB-FRP appliquées aux extrémités du mur, recouvrement complet de la zone de flexion plastique et enveloppe supplémentaire sur la zone de rotule plastique.
Chacune de ces configurations a été testée en tenant compte des scénarios sismiques propres à Vancouver et à Montréal. Les paramètres clés mesurés comprenaient le RIDR et l’IDR, deux indicateurs critiques de performance sismique.

Principaux constats
Nos résultats démontrent que les composites EB-FRP réduisent considérablement le déplacement résiduel des SSW, les améliorations les plus notables étant observées dans les bâtiments moins hauts de 15 étages. À Vancouver (séismes longue durée et basse fréquence), la configuration R3-SSW a réduit le déplacement résiduel jusqu’à 17 % dans les bâtiments de 20 étages et de 28 % dans les bâtiments de 15 étages (voir figures 2 et 3). Ces résultats soulignent l’efficacité de l’EB-FRP à atténuer les effets des mouvements longue durée du sol pouvant causer des déformations importantes dans les structures plus hautes.
Les événements sismiques de Montréal (plus courts et plus fréquents) posent également des défis en matière de résilience des bâtiments. L’étude a montré que les applications EB-FRP réduisaient le déplacement résiduel jusqu’à 13 % dans un bâtiment de 15 étages, la configuration R3-SSW affichant une fois de plus les meilleures performances. Le mur le plus haut a quant à lui montré un comportement élastique (voir figure 4 et figure 5).




Dans les deux villes, l’EB-FRP a également engendré des diminutions importantes de déplacement entre étages, voire jusqu’à 11 % à Vancouver. Cette diminution de l’IDR est déterminante, car elle a une corrélation directe avec la probabilité de dommages structuraux permanents. Dans l’est du Canada, où les événements sismiques sont de moindre intensité, l’étude a démontré que les murs de cisaillement hauts, en particulier les structures de 20 étages, se comportent de manière très élastique pendant les séismes. Les mouvements du sol relativement faibles ne provoquent pas de déformation résiduelle évidente dans ces murs, le déplacement permanent maximal étant inférieur à 0,05 % dans les murs de 20 étages et à 0,13 % dans les murs de 15 étages. Ainsi, dans les régions où l’activité sismique est modérée, comme à Montréal, les murs de cisaillement plus hauts nécessiteraient moins de renforcement, car leur réponse élastique fait qu’ils demeurent en grande partie intacts.
Comparaison des résultats : Vancouver et Montréal
Bien que Vancouver et Montréal connaissent toutes deux des événements sismiques, la nature de ces risques est très différente. Le profil sismique de Vancouver (séismes de longue durée et de faible fréquence) impose des contraintes importantes aux parties inférieures des SSW, surtout près de la base. L’application de composites EB-FRP dans ce contexte s’est avérée très efficace, surtout dans les murs moins hauts qui subissaient les déformations résiduelles les plus prononcées.
À Montréal (séismes plus courts et à haute fréquence), les types de renforcement n’ont été efficaces que dans les murs moins hauts. Cependant, les défis posés par les mouvements de sol à haute fréquence étaient différents. Dans les structures plus hautes, il y avait un risque de plastification secondaire aux étages supérieurs. Cependant, les configurations EB-FRP, en particulier le R3-SSW, ont bien réussi à réduire les fluctuations de déplacement le long de la hauteur du mur.
Effet sur les contraintes de cisaillement et de flexion
L’application de composites EB-FRP aux murs de cisaillement augmente à la fois les contraintes de cisaillement et de flexion. En effet, les types de renforcement réduisent la période de vibration structurelle en augmentant la rigidité des murs, ce qui amplifie la demande de cisaillement pendant les événements sismiques. En conséquence, la demande de cisaillement a augmenté de 4 % à 16 %, tandis que la demande de moment de flexion a augmenté jusqu’à 11 %. Cependant, malgré ces augmentations de force, la capacité accrue des murs, grâce à l’EB-FRP, permet de répondre pleinement à ces contraintes additionnelles.
Conclusion
Notre recherche démontre que les composites EB-FRP sont très efficaces pour améliorer la résistance sismique des murs de cisaillement simples. En réduisant à la fois le déplacement entre étages et le déplacement résiduel, ces matériaux de pointe aident les bâtiments à récupérer plus efficacement après un séisme, minimisant ainsi les réparations et remplacements coûteux. La configuration R3-SSW s’est avérée la plus efficace pour réduire les dommages post-sismiques, surtout dans les bâtiments moins hauts.
Avec l’augmentation des événements sismiques, en particulier dans les régions à haut risque comme Vancouver, l’application de composites EB-FRP dans les rénovations et les nouvelles constructions peut offrir une solution pratique et rentable. Des recherches supplémentaires pourraient explorer la durabilité à long terme de ces matériaux et leur performance dans une fourchette plus grande de conditions sismiques, mais les avantages de l’EB-FRP pour améliorer la sécurité des bâtiments sont clairs.
Informations complémentaires
Pour plus d’informations sur cette recherche, veuillez lire l’article suivant : Abbaszadeh, A., & Chaallal, O. (2024). The Use of Externally Bonded Fibre Reinforced Polymer Composites to Enhance the Seismic Resilience of Single Shear Walls: A Nonlinear Time History Assessment. Journal of Composites Science, 8(6), 229.
[1] J. Adams, S. Halchuk, T. Allen, and G. Rogers, "Canada’s 5th generation seismic hazard model, as prepared for the 2015 National Building Code of Canada," in 11th Canadian conference on earthquake engineering, 2015, pp. 21-24.
[2] A. Abbaszadeh and O. Chaallal, "Resilience of medium-to-high-rise ductile coupled shear walls located in canadian seismic zones and strengthened with externally bonded fiber-reinforced polymer composite: Nonlinear time history assessment," Journal of Composites Science, vol. 7, no. 8, p. 317, 2023.
[3] M. Bruneau and A. Reinhorn, "Overview of the resilience concept," in Proceedings of the 8th US national conference on earthquake engineering, 2006, vol. 2040, pp. 18-22.
[4] H. El-Sokkary, K. Galal, I. Ghorbanirenani, P. Léger, and R. Tremblay, "Shake table tests on FRP-rehabilitated RC shear walls," Journal of Composites for Construction, vol. 17, no. 1, pp. 79-90, 2013.
[5] F. A. Fathelbab, M. S. Ramadan, and A. Al-Tantawy, "Strengthening of RC bridge slabs using CFRP sheets," Alexandria Engineering Journal, vol. 53, no. 4, pp. 843-854, 2014.