Sommaire : Nous illustrons ici un procédé de microfabrication de LTCC-MEMS monolithique par la présentation de la fabrication et des mesures d’un dispositif MEMS capacitif. Les dispositifs MEMS sont habituellement fabriqués de silicium, puis assemblés et mis en boîtiers de manière séparée. Cette approche est complexe et coûteuse. Notre approche est plus simple et plus économique, car elle élimine ces étapes de post-traitement. Aussi, les LTCC servant de substrats de fabrication permettent une intégration plus poussée. Outre l’incorporation de circuits passifs dans le corps 3D des couches de LTCC, on profite des avantages inhérents aux matériaux céramiques, à savoir leur résistance aux températures élevées et aux environnements hostiles.
MEMS : des dispositifs minuscules qui se trouvent partout
Les systèmes microélectromécaniques (MEMS) sont du domaine de la microélectronique, qui combine l’électronique et la mécanique. Les MEMS sont de minuscules dispositifs mobiles ou fixes, dont la taille varie de quelques microns à quelques centaines de microns. Ils sont fabriqués au moyen d’une variété de technologies et d’outils de microfabrication. Les premiers dispositifs MEMS datent de plus de 50 ans. Il s’agissait de cantilevers mobiles, mesurant de quelques dizaines à quelques centaines de micromètres, servant à ajuster les circuits de transmission de données optiques.
Aujourd’hui, les dispositifs MEMS sont très utilisés dans de multiples secteurs : détecteurs dans les coussins gonflables, autofocus et stabilisation des caméras de téléphones portables, dispositifs microfluidiques pour applications biomédicales, et plus encore [1-3]. Au cours des deux dernières décennies, la plupart des procédés de fabrication des dispositifs MEMS s’apparentaient à ceux des semi-conducteurs, avec le silicium et le polysilicium comme matériaux de base. Dans certaines applications, on utilisait aussi des matériaux comme l’aluminium, l’or, le nitrure de silicium et le nitrure d’aluminium. Les dispositifs MEMS étant fragiles et délicats; ils doivent être assemblés et mis en boîtiers avec soin sur les circuits appropriés. Ces étapes de post-fabrication ajoutent une complexité et des coûts importants qui peuvent limiter l’utilisation des dispositifs MEMS.
Céramiques cuites à basse température
Dans les environnements hostiles (températures élevées ou contact avec des produits chimiques corrosifs) les boîtiers en silicium ou en plastique sont inadéquats. Dans ces conditions, on a plutôt recours aux matériaux comme les céramiques pour intégrer les dispositifs MEMS en silicium dans un procédé hétérogène. Il existe plusieurs travaux sur la mise en boîtier de dispositifs MEMS destinés aux environnements hostiles [4]. L’une de ces options consiste à utiliser des céramiques cuites à basse température Low Temperature Co-Fired Ceramics (LTCC), un procédé multicouche convenant aux boîtiers. Elle permet également d’intégrer des éléments de circuit (lignes RF et CC) ainsi que des éléments groupés de condensateurs, résistors et inducteurs [5, 6]. Les LTCC sont fabriqués par empilage et frittage de feuilles de céramique souples. Chaque feuille a son propre motif de métallisation et des vias remplis de métal pour les connexions verticales, ce qui permet d’obtenir des substrats fonctionnels en 3D.
Procédé LTCC-MEMS monolithique proposé
Pour tirer parti de la pertinence des LTCC en boîtier et de leur capacité à intégrer des circuits passifs en 3D, nous proposons un procédé MEMS monolithique sur LTCC (Fig. 1). Ce procédé permet d’éliminer les étapes post-fabrication des MEMS (câblage, assemblage de puces, etc.). Il combine également une phase courante de fabrication de LTCC, suivie d’une fabrication adaptée de MEMS sur circuit LTCC en procédé continu. Pour ce faire, nous avons utilisé les installations du laboratoire LTCC@ÉTS. Ainsi, nous avons pu appliquer un procédé LTCC de qualité commerciale en salle blanche classe 10000 pour la phase de fabrication LTCC. Nous avons également appliqué un procédé de microfabrication de surface en salle blanche classe 1000 adjacente pour la fabrication des MEMS (Fig. 2). Toutefois, la fabrication des LTCC pose deux problèmes importants. S’ils ne sont pas résolus, la fabrication de dispositifs MEMS monolithique sur substrats LTCC ne sera pas possible. Premièrement, la surface du substrat LTCC fritté présente une rugosité et une ondulation de l’ordre de plusieurs micromètres, alors que la fabrication de MEMS nécessite une surface lisse avec rugosité de l’ordre de dix nanomètres. Deuxièmement, pendant la phase de frittage des LTCC, le substrat se rétrécit dans toutes les directions. Ce rétrécissement n’est pas uniforme sur l’ensemble du substrat. Il en résulte des distorsions de l’ordre de dizaines de microns sur les vias de surface qui servent à connecter les dispositifs MEMS aux circuits internes des LTCC (figure 1a, couche supérieure). Ces distorsions créent un désalignement complet entre le substrat et les dispositifs MEMS.
Le procédé proposé, illustré à la figure 2 et décrit en détail dans [7], résout le premier problème. Il s’agit d’un procédé de polissage sur mesure à l’aide d’une polisseuse mécanique chimique (CMP) capable de réduire la rugosité de la surface des LTCC à moins de 5 nanomètres. Pour résoudre le second problème, une mise à l’échelle et un réalignement précis des masques de fabrication MEMS sont effectués par capture d’images sur la surface métallisée LTCC polie.
Une fois ces deux problèmes résolus, la fabrication des MEMS suit les étapes normales de microfabrication. Ce procédé a servi à concevoir et à fabriquer un commutateur MEMS capacitif pour des applications RF (Fig. 3).
Les résultats des mesures du commutateur fabriqué sont présentés à la figure 4
Ces résultats se comparent à ceux de commutateurs similaires fabriqués de façons différentes. Le procédé est économique et accessible à toutes les applications nécessitant des dispositifs MEMS fabriqués par techniques de micro-usinage de surface. Il est également possible d’étendre ce procédé de micro-usinage aux applications microfluidiques.
Références :
[1] G. M. Rebeiz, “RF MEMS Theory, Design, and Technology”. New York. Wiley, 2003.
[2] G. Pillai and S. -S. Li, "Piezoelectric MEMS Resonators: A Review," in IEEE Sensors Journal, vol. 21, no. 11, pp. 12589-12605, 1 June1, 2021, doi: 10.1109/JSEN.2020.3039052.
[3] L. -Y. Ma, N. Soin, M. H. Mohd Daut and S. F. Wan Muhamad Hatta, "Comprehensive Study on RF-MEMS Switches Used for 5G Scenario," in IEEE Access, vol. 7, pp. 107506-107522, 2019, doi: 10.1109/ACCESS.2019.2932800.
[4] Ceramic Film Packaging for 2-D Thermal Wind Sensor Using LTCC Technology," in Journal of Microelectromechanical Systems, vol. 28, no. 6, pp. 1080-1087, Dec. 2019, doi: 10.1109/JMEMS.2019.2941024.
[5] F. Foglia Manzillo et al., "A Multilayer LTCC Solution for Integrating 5G Access Point Antenna Modules," in IEEE Transactions on Microwave Theory and Techniques, vol. 64, no. 7, pp. 2272-2283, July 2016, doi: 10.1109/TMTT.2016.2574313.
[6] M. F. Shafique, D. P. Steenson and I. D. Robertson, "Fabrication of Microstructures in LTCC Technology Using Selective Laser Ablation," in IEEE Transactions on Components, Packaging and Manufacturing Technology, vol. 5, no. 6, pp. 845-851, June 2015, doi: 10.1109/TCPMT.2015.2426720.
[7] Fallahnia, E., & Kouki, A. B. (2023). A Monolithic LTCC-MEMS Microfabrication Process. Journal of Microelectromechanical Systems, 32(6), 612–621. https://doi.org/10.1109/Jmems.....