
Qui n’a jamais soupiré d’exaspération devant un site web kafkaïen, où trouver le bon lien pour remplir un questionnaire relève d’un exploit? Alexandra Nemery, professeure en design UX à l’ÉTS, a développé une expertise en ergonomie des interfaces numériques pour justement faciliter la navigation des internautes.
Titulaire d’un doctorat en ergonomie ainsi que d’une maîtrise en psychologie du travail et ergonomie de l’Université de Lorraine, en France, Alexandra évolue dans le domaine du design d’expérience utilisateur (UX) depuis 15 ans. Ses recherches se concentrent sur la persuasion interactive, qui vise à influencer le comportement et l’état d’esprit des gens, notamment par la ludification. « Ce processus consiste à emprunter des éléments de jeux vidéo pour en faire un outil pédagogique, par exemple dans l’apprentissage d’une langue, ou encore dans la sensibilisation à l’écologie », explique Mme Nemery.
Être ou ne pas être accros!
Alexandra Nemery connaît les mécanismes qui causent la dépendance. Elle abordait déjà le thème de l’éthique dans sa thèse de doctorat. La chercheuse a créé une grille validée qui sert à mesurer la force persuasive d’un article numérique, ou comme guide pour la conception d’un produit plus convaincant. Elle a remarqué que les créateurs de jeux vidéo ont souvent recours à des « dark patterns », des méthodes de manipulation négatives qui exploitent l’anxiété des joueurs (par exemple, la peur de manquer d’informations). Ces pratiques sont de plus en plus critiquées dans l’industrie, selon la chercheuse.
De la France au Québec
Depuis son plus jeune âge, Alexandra a deux passions : les jeux vidéo et le dessin. Alors qu’elle songe à s’inscrire aux Beaux-Arts en France, elle rencontre un ergonome spécialisé en jeux vidéo qui partage avec elle son enthousiasme pour son métier. Alexandra décide de bifurquer vers la psychologie et ergonomie — en France, les deux sont liées. « C’est important de comprendre le fonctionnement du cerveau humain, en particulier la manière dont l’information est traitée et mémorisée », croit Alexandra.
Après une décennie dans l’industrie des logiciels et sites web en France, elle accepte une offre d’Ubisoft en 2018. Son séjour à Montréal devait durer 18 mois, mais son engouement pour la ville l’incite à s’y établir. Elle poursuit son incursion dans l’univers des jeux jusqu’à ce que l’ÉTS lui propose de participer au développement d’un département consacré au design UX. « Créer le tout premier baccalauréat en expérience utilisateur dans une université, c’est vraiment excitant! » s’exclame Alexandra.

Après avoir enseigné à l’École d’ingénieurs en France, à l’École des sciences de la gestion à l’UAQM, à Polytechnique Montréal, puis à HEC Montréal, la professeure Nemery entre à l’ÉTS avec plein de projets en tête.
Le génie et l’expérience utilisateur
Les spécialistes en génie peuvent concevoir la technologie la plus avancée et la plus performante qui soit, si elle n’est pas utilisable ou utile, elle ne se vendra pas. Alexandra Nemery donne l’exemple d’une innovation en construction qui pourrait servir autant à Madame ou Monsieur Tout-le-Monde qu’à une usine ou à un organisme humanitaire. Il est essentiel de tenir compte des exigences spécifiques, des contraintes, des aspirations et des objectifs propres à chacun de ces groupes. L’un des aspects du travail du designer UX consiste à examiner les contextes d’utilisation afin d’aider les ingénieurs et ingénieures à adapter cette invention au profil ciblé. « Ce qu’on apporte, c’est de l’empathie », soutient Alexandra.
Elle mise sur cette transmission fondamentale auprès de ses étudiantes et étudiants à l’ÉTS.
Projets autour de la ludification
L’intérêt pour la ludification et les jeux sérieux s’étend à divers domaines. En ce moment, Alexandra travaille à la modélisation tridimensionnelle du bassin Saint-Laurent, en incluant des éléments tels que le niveau d’eau, les substances toxiques, les déplacements des poissons et des navires. Cette représentation virtuelle, appelée jumeau numérique, encourage la sensibilisation au développement durable.
Un autre projet emploie la ludification pour aider des personnes à réapprendre à marcher. « Imaginez que vous êtes King Kong et que vous écrasez des voitures avec vos pieds. C’est plus amusant que de simplement forcer avec vos jambes », explique avec enthousiasme Alexandra.
Le jumelage du génie et de la ludification vise à améliorer le bien-être humain. « C’est la beauté de mon métier », conclut Alexandra Nemery.
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