
Faits saillants
- Nous avons créé un modèle environnemental de métabolisme urbain dynamique et prospectif.
- Le modèle simule les compromis spatiaux découlant des améliorations dans la circularité des matériaux.
- Les impacts environnementaux des activités urbaines sont cartographiés selon les provinces et pays fournisseurs.
- À mesure que la circularité augmente, les impacts environnementaux diminuent à l’extérieur de la ville, mais augmentent localement.
- Les avantages se situent principalement dans les provinces et pays fournisseurs les plus développés.
Méthodologie
Publiée dans la revue scientifique Resources, Conservation and Recycling, cette étude vise à modéliser et à évaluer les synergies et les compromis engendrés par l’optimisation du métabolisme circulaire des matériaux de construction à l’aide d’une approche dynamique spatio-temporelle. Le secteur de la construction est responsable de la plus grande part de la consommation de matières premières et de ressources, s’élevant annuellement à 3 milliards de tonnes de matières premières et à 50 % de la production mondiale d’acier. Les conséquences environnementales de la construction (épuisement des ressources, production de déchets, etc.) peuvent être vues comme une faille métabolique, les déchets ne faisant pas partie des cycles naturels, mais étant plutôt générés par la civilisation urbaine. Il faut s’attaquer à la surconsommation et améliorer la circularité, en particulier dans le secteur de la construction, pour réduire les impacts sur l’environnement.
L’économie circulaire est vue comme une solution aux chaînes d’approvisionnement linéaires extractives et gaspilleuses par le biais d’une circulation des flux sortants vers les flux entrants. Elle peut être mesurée à l’aide de l’indicateur de circularité des matériaux (ICM).

Cette approche nous permet de simuler la maximisation de l’ICM pour chaque flux de matériaux, obtenant ainsi un profil optimal de métabolisme urbain circulaire. Dans les calculs suivants, l’ICM (Eq. 1) et la COM (Eq. 2) sont mesurés à l’aide de la matière vierge (V), des déchets (D), de la masse (M) et de l’utilité (X).
Les flux de matières (calculés à partir de statistiques nationales et provinciales) et les impacts associés (provenant de bases de données d’analyse du cycle de vie) sont simulés de 2017 à 2050 prenant en compte deux scénarios : le statu quo (Business as Usual, BAU) et la circularité optimisée des matières (COM) selon l’ICM. Les avantages potentiels du scénario COM sont ensuite cartographiés dans le temps. Puis, l’emplacement de ces avantages est comparé selon le niveau de développement de ces lieux afin de comprendre dans quelle mesure les gains sont répartis pour les communautés qui en ont le plus besoin.

Modéliser le succès des projets d’économie circulaire est complexe, et réduire les flux de déchets et de matières vierges peut avoir des conséquences inattendues. Concevoir des bâtiments à matérialité réduite exige des stratégies comme la modularité, l’adaptabilité et la déconstruction, et les bâtiments circulaires ont été proposés comme approche holistique de l’économie circulaire dans l’environnement bâti.
Ce modèle de métabolisme urbain dynamique et systémique a servi à estimer les effets de l’augmentation de la circularité des matériaux pour une étude de cas réalisée sur Montréal. Les résultats montrent qu’à mesure que la circularité augmente, les impacts diminuent dans les régions fournisseures (provinces et nations), mais augmentent dans les villes, quoique dans une bien moindre mesure, en raison des activités associées à la récupération et revalorisation. Toutefois, cette diminution des impacts dans les régions fournisseures est spatialement inégale, révélant des risques d’iniquité environnementale entre les pays très développés et les pays moins développés.


Les principaux bénéficiaires de la circularisation des matériaux à Montréal ne sont pas les résidents de Montréal, mais ceux des pays fournisseurs, en particulier le Brésil, le Mexique et la Norvège. Dans ces pays, les impacts environnementaux diminuent de 80 à 100 % d’ici 2050 dans les 18 catégories d’impact. Les Montréalais vont tout de même bénéficier de certaines de ces réductions dont l’impact est global et ne dépend pas d’où les émissions ont lieu, comme c’est le cas pour les changements climatiques. Il faut adopter une vision systémique sur tout le cycle de vie des bâtiments et sur l’importance d’équilibrer les avantages et inconvénients de la circularité des matériaux.

Les avantages obtenus par les pays fournisseurs grâce au scénario de circularité optimale des matériaux sont regroupés en fonction de l’indice de développement humain (IDH) de ces pays. La diminution de la surcharge environnementale profite le plus aux pays au niveau de développement le plus élevé. Dans ce cas, les partenaires commerciaux les moins développés tirent moins d’avantages de l'augmentation potentielle de la circularité des matériaux de construction à Montréal.

Conclusion
La circularité des matériaux n’est pas suffisante pour résoudre la faille métabolique dans le secteur de la construction à Montréal. Il est nécessaire de développer d’autres stratégies de l’économie circulaire comme de prolonger la durée de vie des bâtiments et des infrastructures et de réduire la consommation absolue, la circularité des matériaux devant être vue comme complémentaire à ces efforts. Nos conclusions soulignent l’importance de la pensée systémique, de la compréhension de la complexité des chaînes d’approvisionnement mondiales et de la consommation urbaine devant les crises environnementales. Des recherches supplémentaires devront être entreprises pour raffiner le modèle développé et y intégrer des stratégies telle que la prolongation de la durée de vie dans le secteur de la construction et sur la réduction de la matérialité en vue d’atteindre la durabilité environnementale.
Cette recherche a été financée par le laboratoire vivant du Centre d’études et de recherches intersectorielles en économie circulaire (CERIEC) de l’École de technologie supérieure (ÉTS) et par la Chaire de recherche du Canada sur la mesure de l’impact des activités humaines sur les changements climatiques.
Lecture recommandée :
Elliot, T., Vigier, M., & Levasseur, A. (2024). Spatio-temporal metabolic rifts in urban construction material circularity. Resources, Conservation & Recycling, 205, 107567.
Articles connexes :
Elliot, T. and Levasseur, A. (2022). System dynamics life cycle-based carbon model for consumption changes in urban metabolism. Ecological Modelling, 473, 110010.
Elliot, T., Carter, A., Ghattuwar, S., & Levasseur, A. (2023). Environmental impacts of road pavement rehabilitation. Transportation Research Part D: Transport and Environment, 118, 103720.