L’électrification des transports semble incontournable pour la décarbonisation et la lutte contre les changements climatiques. Au Québec, cela fait partie intégrante du Plan pour une économie verte 2030. On s’attend donc à ce que le parc de véhicules électriques au Québec, aujourd’hui évalué à 2 millions de voitures, grimpe jusqu’à 4 millions en 2035. Il est crucial de prévoir dès maintenant la recharge de ces véhicules dans certains contextes problématiques, ainsi que le devenir des batteries en fin de vie. Or 40 % de la population québécoise habite dans des immeubles multilogements. Québec compte s’appuyer sur un réseau de bornes de recharge pour soutenir l’augmentation visée de deux millions de véhicules électriques.
La recharge en contexte de multilogements
L’électrification des transports au Québec pose des défis en matière de gestion et d’accessibilité énergétique, particulièrement pour les immeubles multilogements. Certaines entreprises ont relevé le défi technologique de développer des systèmes de gestion de l’énergie pour les bornes de recharge dans ces habitations. En effet, les premières bornes électriques résidentielles sur le marché sont conçues pour fonctionner de façon individuelle, chargeant un seul véhicule à la fois. La recharge simultanée de plusieurs véhicules dans un même immeuble peut donc amener la demande en puissance à dépasser la capacité de l’entrée électrique du bâtiment. En considérant l’utilisation de la totalité des espaces de stationnement, on doit considérer la saturation possible des transformateurs de 600 V et de la capacité de l’entrée électrique principale du bâtiment.
Des solutions possibles, telles que la mise à jour de l'infrastructure électrique, peuvent s’avérer très chères. L'utilisation de systèmes de gestion de l'énergie ouvre une autre voie. Rapidement, l’industrie a su s’adapter pour offrir de nouveaux dispositifs capables de charger plusieurs véhicules, sans avoir à augmenter la capacité des panneaux électriques des immeubles ni celles du réseau de distribution électrique qui les dessert, grâce à des techniques de délestage dynamique pour limiter la charge.
Il existe déjà des études et des données sur les habitudes de consommation des véhicules électriques. Cependant, les habitudes de consommation électrique des voitures combinées à celles des foyers restent inconnues, surtout lors des journées à forte demande énergétique. Hydro-Québec a mis en place des incitatifs tarifaires pour réduire la consommation pendant les heures de pointe. Ces incitatifs consistent en des tarifs réduits de consommation en dehors des heures de pointe. Les avancées de la technologie connectée permettent aujourd’hui la participation de la population aux programmes de gestion de la puissance, visant à uniformiser la demande pendant les périodes critiques.
Système de gestion de l’énergie pour véhicules électriques
L’ÉTS a collaboré avec l’entreprise RVE pour déployer un prototype de système de collecte de données visant à mieux comprendre les habitudes de recharge. Grâce aux données recueillies, une première génération d’algorithmes pour un système de gestion de l’énergie pour véhicules électriques (SGÉVÉ) est en cours de développement. Le développement d'algorithmes est un processus complexe qui nécessite une validation rigoureuse. L’industrie poursuit donc ses efforts pour mieux appréhender les impacts sur l’infrastructure des immeubles. Nous proposons de continuer la recherche dans ce type de système, qui, non seulement réduira la demande en période de pointe, mais répartira aussi intelligemment la puissance entre les besoins des habitants et ceux de leurs véhicules électriques.
Pour atteindre cet objectif, nous devons concevoir des méthodes de mesure automatique pour évaluer la puissance consommée par les véhicules électriques lors de leur recharge et analyser les risques d’interaction avec la demande des foyers. Actuellement, l’analyse des comportements de recharge en milieu multilogement peut être améliorée grâce aux apprentissages en laboratoire et aux systèmes bientôt déployés. Les algorithmes pour les contrôleurs de charge individuels devront également être ajustés. À long terme, la gestion de la demande électrique devra viser à réduire les pointes de consommation, y compris celles liées à la recharge des voitures électriques, tout en intégrant d’autres objectifs, tels que l’intégration des énergies renouvelables et l’amélioration de la résilience du réseau, afin de mieux répondre aux besoins de la population.
Avec un système de collecte de données bien établi, nous pourrons mieux comprendre les effets de la recharge sur l’infrastructure des immeubles, ce qui permettra d’améliorer les algorithmes des SGÉVÉ et de prévoir les besoins futurs en distribution électrique.
Incorporer les batteries dans une économie circulaire
La mobilité électrique accentue nos besoins en batteries. Or ces dernières viendront en fin de vie utile tôt ou tard. En 2030, on estime que c’est entre 60 000 et 90 000 batteries dont il faudra disposer. Les batteries contiennent des matériaux stratégiques (et toxiques), comme le lithium, le nickel, le cobalt, le manganèse et le graphite. La récupération de ces matériaux est critique tant pour des raisons environnementales qu’économiques. Il faut commencer à penser aux infrastructures nécessaires à leur incorporation dans une économie circulaire.
Avant de penser à recycler les batteries, des défis techniques associés à la réutilisation, comme la variabilité de l'état de santé des batteries usagées et les normes de sécurité doivent être pris en compte. Il faut voir si elles peuvent être réutilisées pour d’autres applications demandant moins de performance que les véhicules électriques. Elles peuvent servir à stocker de l’énergie verte intermittente (p. ex. solaire ou éolienne) ou encore dans certaines applications commerciales et résidentielles.
Surmonter les défis logistiques
Avant toute chose, la sécurité des batteries doit être évaluée pour considérer leur réutilisation, ce qui peut être fait au moyen de modèles de fiabilité des systèmes. Mais il faut aussi évaluer leur valeur afin de déterminer l’usage le plus approprié. Il existe des critères d'évaluation, comme la capacité résiduelle, la durée de vie restante et la sécurité. Cette étape peut s’effectuer au moyen de modèles statistiques et d’intelligence artificielle basés sur l’analyse de données. Finalement, il faudra sélectionner, reconditionner et regrouper les batteries de façon à en tirer le plus de profit possible selon l’utilisation retenue.
L’incorporation des batteries dans une économie circulaire demandera de relever de nombreux défis logistiques de récupération et de transport de matériaux ainsi que de stockage sûr pour alimenter les différentes usines du cycle de vie des batteries. Parmi les défis spécifiques, on trouve le coût de la logistique inversée, la gestion des risques environnementaux et les régulations de transport des matières dangereuses.