Les contrats publics sont largement octroyés selon le mode « entreprise générale », où les plans et devis détaillés sont réalisés avant de procéder à l’appel d’offres pour la construction. Cette dernière est habituellement confiée au plus bas soumissionnaire conforme, qui assume ensuite les risques inhérents au projet.
Les limites de ce mode opératoire ont largement été documentées : piètre qualité, non-respect des échéanciers, dépassements de coûts, réclamations, relations antagonistes… Et si la solution résidait entre une meilleure collaboration et un risque mieux réparti? Gabriel Jobidon, professeur au Département de génie de la construction de l’ÉTS, explore le cadre juridique d’autres modes de réalisation, qui misent davantage sur la collaboration.
Contrat transactionnel contre relationnel
L’entreprise générale est l’exemple parfait d’un contact transactionnel. Ce type de contrat :
- ne prévoit pas de mécanisme de planification mutuelle,
- incite à l’opportunisme et à l’individualisme des parties,
- alloue les risques au lieu de les partager,
- tente de formellement prévoir une solution juridique à toute situation.
En bref, le contrat transactionnel repose sur une considération clé : un prix forfaitaire intégrant contingences et risques pour toute forme d’imprévu, qu’il survienne ou non. Et c’est là une des nombreuses sources d’augmentation du prix de ces contrats, qui ne confèrent pas plus de valeur à l’État dans sa mission de saine gestion des fonds publics.
Pour remédier à ces problèmes et répondre aux besoins de projets de plus en plus complexes, de nouveaux modes de réalisation ont émergé. Ces contrats de type relationnels sont appelés contrats de réalisation de projet intégrée ou encore d’alliance. Ils mélangent divers aspects : pouvoir mieux réparti, confiance entre les acteurs, flexibilité dans les exigences et la réalisation, planification mutuelle et gestion commune des risques. Les différends sont réglés à l’amiable, alors que les parties renoncent à se poursuive sauf dans certains cas d’exception. Les risques sont partagés entre tous les intervenants, qui ont à cœur l’avancement du projet à l’intérieur de l’échéancier et du budget prévu.
Des projets pilotes suivant cette approche ont montré des résultats très encourageants : une diminution des délais d’exécution des coûts
Le premier contrat de ce type au Québec est en train d’être établi pour la réfection de l’ancien édifice Dow, au coin des rues Peel et Notre-Dame, qui deviendra un nouvel édifice du campus de l’ÉTS.
Des appels d’offres plus polyvalents et participatifs
Gabriel Jobidon s’intéresse aussi à l’influence des appels d’offres sur la durabilité au sens large et les adaptations aux changements climatiques. Quelle est la manière la plus optimale d’insérer de la durabilité dans un appel d’offres? Les critères de sélection, les exigences techniques dans les plans et devis, les clauses contractuelles s’appliquant durant la réalisation?
Il a aussi établi un cycle de vie normatif des infrastructures pour les apprécier en fonction de la relation entre la participation citoyenne et la gouvernance hiérarchique traditionnelle, et ce, à toutes les étapes de la vie d’une infrastructure publique : la protection du territoire, le zonage et l’aménagement, les appels d’offres, les contrats, l’exploitation et la maintenance, la démolition ainsi que la réutilisation.
Un changement de culture du milieu de la construction en vue?
Les contrats de type relationnel nécessitent plus de travail en amont, dans la planification du projet, et requièrent un changement profond de culture. Plutôt que de procéder de façon traditionnelle en misant sur des ordres de changement et des réclamations qui en découlent, tous les acteurs du projet doivent développer une maturité, une sophistication et une bonne compréhension du fonctionnement de ces nouvelles approches et se sensibiliser aux réalités des différents corps de métier et fournisseurs de services professionnels afin de faire émerger la meilleure solution pour le projet.
Bien que cette approche ait porté fruit aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, il faudra se détacher au Québec d‘un passé chargé afin d’adopter de nouvelles façons de faire bénéfiques pour tous et toutes.