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Des fibres pour le traitement de l'eau dans les communautés décentralisées

Une main effleure l'eau calme d'un lac, entourée de montagnes majestueuses, sous un ciel ensoleillé et radieux.

Des solutions simples et abordables pour l'approvisionnement en eau, un besoin mondial 

L'accès à l'eau potable reste l'un des plus grands défis mondiaux. Alors que les centres urbains des pays industrialisés exploitent des usines d'épuration complexes et coûteuses, de nombreuses petites communautés isolées, en particulier dans les régions en développement et les zones nordiques, n’ont pas l’infrastructure, l'expertise technique ou les moyens financiers pour posséder de tels systèmes. Les procédés conventionnels nécessitent plusieurs réservoirs, un contrôle précis du pH et du dosage, et des coagulants à base de métaux comme l'alun, qui exigent des opérateurs qualifiés et une surveillance constante. 

Pour relever ce défi mondial, un procédé innovant et compact de traitement de l'eau, à la fois simple et efficace, capable d'améliorer simultanément la qualité de l'eau et la déshydratation des boues, a été mis au point à l'École de technologie supérieure (ÉTS) de Montréal. Grâce aux superfloculants à base de fibres qui forment de très gros flocs, le système peut simultanément purifier l'eau et déshydrater les boues en une seule étape. Cette solution innovante et facile d'entretien offre une alternative prometteuse pour la gestion décentralisée de l'eau. Elle pourrait contribuer à étendre l'accès à l'eau potable à des communautés longtemps exclues des systèmes de traitement classiques.

Un procédé compact trois-en-un

Le nouveau système intègre trois étapes de traitement (floculation, séparation et déshydratation des boues) dans une seule unité compacte. Son efficacité repose sur des agents pontant fibreux, soit des fibres de cellulose naturelles de papier recyclé qui agissent comme de minuscules filets naturels dans l'eau. Ces fibres capturent et lient les petites particules entre elles, formant des agrégats très volumineux et stables appelés flocs. Combinées à une petite quantité de floculant (polyacrylamide ou PAM), ces fibres forment des flocs extrêmement volumineux et stables qui sont ensuite éliminés à l'aide d'un tamis grossier, au lieu de nécessiter de grands bassins de décantation. 

Cette approche élimine les multiples étapes de traitement et simplifie les opérations. Le même réacteur qui sépare les flocs peut également presser et déshydrater les boues résultantes, évitant ainsi le recours aux produits chimiques supplémentaires et réduisant l'empreinte globale du procédé. 

Transformer une chimie complexe en mécanique simple

Les usines d'épuration classiques comportent une série d'étapes chimiques et physiques (coagulation, décantation, filtration), chacune nécessitant des bassins distincts et un contrôle minutieux. Le nouveau procédé simplifie tout le processus en une seule unité compacte. 

Au lieu d’une chimie complexe, l'action physique des fibres de cellulose effectue la majeure partie du travail. Ces fibres semblables à du papier créent des ponts entre les particules en suspension, les aidant à se coller les unes aux autres et à former de gros flocs denses faciles à piéger. 

Comme ces flocs sont visibles et lourds, ils s’éliminent à l'aide de simples tamis plutôt que de membranes fines ou de bassins de décantation. Cette approche transforme une opération chimique délicate en un processus mécanique robuste, réduisant les entretiens, ce qui en fait une solution idéale pour le traitement décentralisé de l'eau ou hors réseau. 

Méthodes de traitement des eaux : classique et avec fibres. Comparaison des processus de coagulation, filtration et efficacité.
Figure 1 Comparaison entre le procédé de traitement classique (à gauche) et le nouveau système trois-en-un à base de fibres mis au point à l'ÉTS (à droite). Tiré de Mebarki et al., npj Clean Water 2025.

Résultats probants : une eau plus propre et des boues plus sèches 

Des tests à la fois sur des eaux de surface canadiennes (fleuve Saint-Laurent) et des eaux très troubles de la République démocratique du Congo (RDC) ont démontré la polyvalence et l'efficacité remarquable de cette technologie. À titre de comparaison, le fleuve Saint-Laurent, déjà relativement limpide, présente une turbidité initiale d'environ 4 NTU, tandis que l'eau brute de la RDC peut dépasser 500 NTU, comme l'eau d’une rivière qui devient boueuse après une tempête. Malgré ces grandes différences, le système a fonctionné de façon remarquable.

Lorsque des fibres ont été ajoutées, la réduction de la turbidité (une mesure de la clarté de l'eau) est passée de 39 % à 94 %, ramenant l'eau traitée à moins de 0,3 NTU, ce qui répond aux normes nord-américaines en matière d'eau potable. La turbidité décrit simplement le degré de trouble de l'eau : plus la valeur est faible, plus l'eau est claire et sûre. Cette technologie a même permis de lutter contre les polluants émergents. Lors d'essais menés sur le fleuve Saint-Laurent, l'élimination des nanoplastiques est passée de 20 % à 72 %, et celle des microplastiques a atteint jusqu'à 95 %. Dans les eaux très troubles de la RDC, plus de 99 % des particules en suspension ont été éliminées en utilisant moins d'additifs chimiques que les méthodes classiques.

Le procédé s'est également révélé très efficace pour la déshydratation des boues. Une fois les boues pressées, leur teneur en matières solides était plus de dix fois supérieure à celle obtenue par traitement classique, permettant de réduire la quantité de déchets à transporter et l'énergie nécessaire au séchage. Ces résultats confirment que les matériaux fibreux améliorent non seulement l'élimination des contaminants, mais rendent également la gestion des boues plus efficace et plus facile à mettre en œuvre.

Illustration des processus de filtration montrant l'eau propre libérée, l'échelle de mesure et le fonctionnement d'un tamis à maillage.
Figure 2 Démonstration en laboratoire du procédé à base de fibres utilisé dans le réacteur compact.

Les gros flocs se déposent et sont séparés à l'aide d'un tamis à mailles grossières (l'image de gauche montre un tamis de 200 µm). Schéma simplifié de l'étape de déshydratation, au cours de laquelle une pression est appliquée pour compacter la couche de fibres et de boues et libérer l'eau propre. Tiré de Mebarki et al., npj Clean Water 2025.

Un pas vers le traitement décentralisé

La simplicité et l'évolutivité de ce procédé avec fibres trois-en-un le rendent particulièrement adapté au traitement décentralisé de l'eau dans les petites villes, les zones rurales et les communautés isolées. Contrairement aux usines classiques, il fonctionne sans infrastructure lourde, systèmes de contrôle complexes ou ajustement chimique continuel.

Comme le procédé est basé sur des fibres de cellulose renouvelables et de faibles doses de floculant, il réduit les impacts environnementaux et les coûts d'exploitation. Il peut également contribuer à minimiser les risques sanitaires et environnementaux liés à une mauvaise gestion des boues. Il s'agit donc d'une solution prometteuse pour atteindre l'objectif de développement durable n° 6 des Nations Unies, qui vise à garantir l'accès universel à l'eau potable et à l'assainissement.

Mise à l’échelle et perspectives d'avenir

Afin d'adapter le système à des applications à grande échelle, des travaux supplémentaires sont en cours pour optimiser la distribution des fibres, la durabilité des tamis et le fonctionnement en flux continu. Un déploiement à grande échelle nécessitera également l'automatisation du système de pressage et l'évaluation des performances du maillage à long terme.

Cette technologie pourrait à terme remplacer ou compléter les unités classiques, offrant ainsi une alternative abordable et durable pour le traitement de l'eau potable et des eaux usées. En associant des matériaux naturels à une conception technique, cette étude démontre que la science innovante peut se traduire directement en avantages pratiques pour les communautés du monde entier.

Conclusion

Le procédé avec fibres trois-en-un mis au point à l'ÉTS offre un moyen compact, efficace et pratique de purifier simultanément l'eau et les boues. En combinant les fibres de cellulose et les floculants dans une seule unité, il simplifie le traitement, réduit l'entretien et met l'eau potable à la portée des communautés qui en ont le plus besoin. 

Références

Mebarki, M., Joge Ngale, G., & Lapointe, M. (2025). Fibrous super-bridging agents simultaneously improve contaminants removal and sludge dewatering via a very compact three-in-one process. npj Clean Water.

Lapointe M, Kurusu RS, Hernandez LM, Tufenkji N. Removal of Classical and Emerging Contaminants in Water Treatment Using Super-Bridging Fiber-Based Materials. ACS EST Water. 10 Feb 2023;3(2):377‑86.

Abi Farraj S, Lapointe M, Kurusu RS, Liu Z, Barbeau B, Tufenkji N. Targeting nanoplastic and microplastic removal in treated wastewater with a simple indicator. Nat Water. Jan 2024;2(1):72‑83.

Kurusu RS, Lapointe M, Tufenkji N. Sustainable iron-grafted cellulose fibers enable coagulant recycling and improve contaminant removal in water treatment. Chem Eng J. 15 Feb 2022;430:132927.

Lapointe M, Farner JM, Hernandez LM, Tufenkji N. Understanding and Improving Microplastic Removal during Water Treatment: Impact of Coagulation and Flocculation. Environ Sci Technol. 21 July 2020;54(14):8719‑27. 

WHO, UNICEF. Progress on drinking water, sanitation and hygiene: 2017 update and SDG baselines. 2017.