
Actuellement, il est presque impossible d’obtenir certains services ou de se connecter à son compte bancaire sans dévoiler des informations personnelles, ce qui nous rend vulnérables. Claude Crépeau, professeur titulaire au Département de génie logiciel et des technologies de l’information de l’ÉTS et expert en cryptographie, est persuadé qu’on pourra bientôt confirmer son identité à un tiers sans révéler de données confidentielles. La preuve à divulgation nulle de connaissance représente donc une avancée majeure.
La technologie quantique entre à l’ÉTS
Membre du programme de l’Institut canadien de recherches avancées sur l’informatique quantique de 2003 à 2013, Claude Crépeau a occupé le poste de professeur agrégé à l’Université de Montréal pendant quelques années, puis à l’École d’informatique de l’Université McGill durant vingt-six ans. Le 1er janvier 2025, il entre à l’ÉTS pour contribuer au rayonnement de l’Institut en sciences et génie quantique. « Je suis l’un des deux premiers chercheurs qui forment le noyau de ce nouvel institut intégré à l’ÉTS », annonce le cryptologue. Le professeur Crépeau a l’intention de pousser plus loin ses travaux de recherche et de renforcer les liens de l’ÉTS avec l’écosystème d’entreprises quantiques au Québec.
Quand la courbe d’une balle oriente une carrière…
Enfant, Claude Crépeau est fasciné par la physique. Pourquoi une balle de baseball trace-t-elle une courbe quand on la frappe? Quels sont les principes qui régissent l’univers? « Je voulais devenir un savant comme le professeur Tournesol », avoue-t-il. Toutefois, au cégep, Claude trouve les enseignants en informatique plus intéressants que ceux en physique. Il s’inscrit donc en informatique à l’Université de Montréal.
Puis un article de la revue Scientific American sur la cryptographie à clés publiques, paru en 1983, capte particulièrement son attention. Cette nouvelle méthode permet de chiffrer les données grâce à une clé publique, mais seul le destinataire peut les déchiffrer avec sa propre clé privée. Cela assure la confidentialité des échanges. Apprenant que Gilles Brassard, enseignant à l’Université de Montréal, et son collègue Charles Bennett, appliquent les propriétés de la physique quantique à la cryptographie, Claude Crépeau propose sa collaboration. Il ne le regrettera pas!
En 1984, il obtient son baccalauréat en mathématiques et informatique de l’Université de Montréal, et, deux ans plus tard, une maîtrise en informatique. Puis, en 1989, il reçoit son doctorat en informatique axé sur la cryptographie de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT).

En 1993, le jeune cryptographe contribue à la découverte de la téléportation quantique, une technique révolutionnaire qui permet de transmettre de l’information quantique à l’aide d’informations classiques et d’intrication. Ces deux ressources sont essentielles l’une à l’autre pour réussir cette tâche.
La technologie quantique, un défi pour les fraudeurs
Les systèmes informatiques classiques fonctionnent selon des principes simples où l’information est encodée par des 0 et des 1, appelés bits. Ce système binaire peut traduire toutes les données, qu’elles soient constituées de lettres, de chiffres, d’images ou de son. Toutefois, il est possible pour un fraudeur d’intercepter la transmission de données, puis de les falsifier ou de les dupliquer.
En revanche, l’informatique quantique exploite des qubits qui peuvent simultanément être à la fois 0 et 1. Cette caractéristique lui permet de traiter exponentiellement plus d’informations que les ordinateurs traditionnels. C’est aussi ce qui rend la cryptographie plus sécuritaire. On ne peut intercepter la transmission sans modifier l’état quantique des qubits. Or, cette altération est immédiatement détectable.
Claude Crépeau réfléchit à des applications en cryptographie, en particulier sur des méthodes d’identification plus sûres. Selon la théorie de la relativité, l’information ne peut voyager plus vite que la vitesse de la lumière, c’est une limite absolue. « Pour tricher, les fraudeurs devront communiquer plus rapidement que la lumière, et l’on croit que, dans notre univers, ce n’est pas possible », résume Claude Crépeau.
Qui aurait pu imaginer l’impact de la trajectoire d’une balle de baseball sur l’esprit vif d’un petit garçon, émule du professeur Tournesol!