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Accroître la durabilité et la résilience du transport intermodal

Accroître la durabilité et la résilience du transport intermodal

Sommaire

L’essor de l’industrie du transport de marchandises est préoccupant en ce qui a trait à l’environnement et aux changements climatiques, et ce, en grande partie à cause d’une forte dépendance aux combustibles fossiles. Une solution prometteuse pour réduire les effets environnementaux de ce secteur est le transport intermodal. Il s’agit du transport de marchandises en conteneur, du point d’origine à la destination, en utilisant au moins deux modes de transport différents. Mais cette façon de faire peut poser des défis et exacerber la vulnérabilité aux perturbations. Ici, nous présentons une nouvelle approche pour améliorer la durabilité et la résilience du transport intermodal, en soulignant les avantages de la consolidation pour diminuer les effets environnementaux et sociaux. Le modèle proposé est fondé sur différentes mesures environnementales et sociales, notamment les émissions de gaz à effet de serre (GES), la pollution sonore, les congestions routières et les accidents. Des données réelles, tirées du système de transport britannique, ont servi à démontrer les implications pratiques de cette approche. Elles fournissent également des informations exploitables aux gestionnaires de transport et aux stratèges politiques afin de prioriser les investissements dans le réseau de transport.

Mots clés : Transport intermodal de marchandises ; résilience ; durabilité ; optimisation ; perturbations.

Consolider les cargaisons et réduire les coûts et émissions

Le transport de marchandises est l’un des principaux responsables des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Il représente plus de 20 % des émissions liées à l’énergie. Le transport routier, à lui seul, produit 15 % des émissions (Statista, 2023 ; AIE, 2023). Malgré une baisse temporaire due à la pandémie de COVID-19, ces émissions ont bondi de 8 % en 2021, revenant presque aux niveaux prépandémiques dès 2022 (AIE, 2023). Ce résultat souligne le besoin urgent d’adopter des solutions durables. Le transport intermodal, qui consiste à acheminer par conteneur des marchandises sur plusieurs modes de transport (voies terrestres, ferroviaires et maritimes), serait une approche prometteuse pour réduire notre dépendance envers le transport routier. Par contre, la complexité de ces réseaux, surtout sur le plan des stratégies de consolidation, peut les rendre vulnérables aux perturbations. Cet article décrit comment optimiser les réseaux intermodaux pour en améliorer la durabilité et la résilience. La résilience d’un système de transport devant les perturbations ou événements inattendus fait référence à sa capacité de résistance, d’adaptation et de reprise grâce à diverses stratégies de préparation et de rétablissement.

La consolidation consiste à regrouper plusieurs petites cargaisons en une seule afin de réduire les coûts et effets sur l’environnement. Par exemple, de grandes entreprises comme Kellogg et Unilever ont réalisé d’importantes réductions de coûts et d’émissions grâce à la consolidation. Dans un contexte intermodal, la consolidation réduit le nombre de trajets nécessaires, diminuant ainsi la consommation de carburant et les émissions de GES. Toutefois, elle nécessite également une planification minutieuse pour gérer le risque accru de perturbations, car un retard dans une partie du réseau peut générer des effets en cascade.

Modèle de réseau proposé en modes routier, ferroviaire et maritime

Nous présentons ici un modèle d’optimisation stochastique à deux étapes pour améliorer la durabilité et la résilience des réseaux de transport intermodaux. Le modèle comprend différentes mesures (émissions de GES, pollution sonore, congestions routières et accidents) qui permettent d’évaluer la durabilité environnementale et sociale des itinéraires de transport. Il tient également compte de la probabilité de perturbations et inclut des stratégies de préparation et de rétablissement dans un réseau plus résilient.

Principales mesures de durabilité :

  • Émissions de CO2e – Principal indicateur environnemental, les émissions de GES sont quantifiées et converties en valeurs monétaires.
  • Pollution sonore – Le transport peut causer des problèmes de santé, en particulier pour les personnes vivant à proximité des routes et des voies ferrées (Wang et al, 2022).
  • Accidents – Ces événements entraînent des coûts liés aux services d’urgence, aux embouteillages et à la charge émotionnelle des familles des victimes (Ranaiefar & Amelia, 2011).
  • Congestion du réseau routier – La congestion du réseau augmente la durée des trajets routiers, la consommation de carburant et la pollution de l’air en fonction de la variabilité des vitesses.

Le réseau proposé comprend des modes de transport routier, ferroviaire et maritime, comme l’illustre la figure 1. Les nœuds E et F représentent des terminaux intérieurs, accessibles uniquement par voies ferroviaires ou terrestres.

Schéma d'un réseau de transport avec des nœuds et des liaisons de connectivité multimodales, notamment ferroviaires, routières et fluviales.
Figure 1. Schéma du réseau intermodal

Hypothèses servant à définir les limites et la portée du problème :

  • Les cargaisons transférées vers différents modes de transport dans les terminaux intermodaux peuvent entraîner des coûts de transfert et des retards.
  • Dans des conditions normales, le temps de transit total d’une cargaison est la somme des temps de transit sur les arcs du réseau et des temps de transfert aux points de transfert. En cas de perturbation, les temps de transit peuvent augmenter. Les activités de rétablissement, comme le réacheminement des cargaisons, la replanification du transport ou le transfert vers d’autres modes de transport, atténueraient ces effets (Chen et Miller-Hooks, 2012).

Méthodologie

Ci-dessous, la méthodologie expliquée aux non-spécialistes :

  • Collecte des données : Nous avons collecté des données réelles tirées du réseau de transport britannique, notamment la taille des cargaisons, l’emplacement des ports et les statistiques d’émissions.
  • Développement du modèle et solution : Nous avons développé un modèle stochastique à deux étapes pour évaluer les coûts de transport. Le modèle tient compte de facteurs comme les émissions et les perturbations. Il a été résolu à l’aide d’un algorithme à relaxation lagrangienne afin d’obtenir des temps de calcul raisonnables.
  • Analyse des scénarios de perturbation : En raison du manque de données dans les recherches existantes, nous avons évalué les catastrophes naturelles et anthropiques dans la région et créé 40 scénarios de perturbation. Ces scénarios sont classés par inondations, attentats à la bombe et attaques terroristes. Pour ce faire, nous avons exploré les données historiques des 20 dernières années afin de calculer et d’estimer la probabilité (fréquence et durée) de chaque scénario.

Application pratique et résultats

Nous avons validé le modèle à l’aide de données réelles issues du réseau de transport britannique. L’étude de cas a démontré qu’un investissement modeste dans les activités de préparation et de rétablissement (à peine 0,4 % du coût total de transport) entraînerait une réduction de 4,7 % des coûts globaux et de 24,6 % des coûts de retard dus aux perturbations. En outre, il a été démontré que les stratégies de consolidation permettaient de réaliser des économies importantes et des retours sur investissement jusqu’à 34 fois plus élevés que l’investissement initial.

Autres résultats :

  • Budgets de rétablissement affectés selon les catégories de perturbations Nous avons analysé l’affectation optimale de budgets pour les activités de rétablissement, comme la réparation de l’infrastructure et le recours aux ressources alternatives pour différentes catégories de perturbations. Dans tous les scénarios, les résultats ont démontré que la plus grande partie du budget est consacrée au rétablissement après inondation, comme le montre la figure 2.
Graphique à barres comparant les budgets de reprise après sinistre pour les inondations, les attaques terroristes et les attentats à la bombe au fil du temps.
Figure 2. Affectation du budget de rétablissement par catégories de perturbations et dates d’échéance
  • Identification des liens de transport critiques et semi-critiques Une analyse des budgets allant de 0 à 50 000 £ a permis d’identifier les liens de transport vulnérables du réseau de transport. Les liens de transport critiques nécessitent des stratégies de préparation (amélioration des routes et voies ferrées, construction de digues, amélioration des systèmes de drainage dans les zones inondables, renforcement des infrastructures de transport) et un budget serré (10 000 £ ou moins). Les liens de transport semi-critiques, quant à eux, sont dotés d’un budget plus souple. La figure 3 illustre ces liens de transport critiques et semi-critiques, les liens identifiés étant tous des voies ferroviaires.
Carte du Royaume-Uni mettant en évidence les emplacements clés avec des chiffres et un index.
Figure 3. Liens de transport critiques et semi-critiques pour le réajustement

Enjeux pour les gestionnaires de transport et stratèges politiques

Les résultats de cette étude présentent des enjeux importants pour les gestionnaires de transport et les stratèges politiques. On y trouve une approche équilibrée qui, non seulement, permet de réduire les coûts, les émissions et les externalités sociales (comme la pollution sonore), mais également de maintenir les niveaux de service pendant les perturbations. L’étude comprend un plan d’action pour hiérarchiser les investissements en infrastructures de transport et souligne la nécessité de cibler à la fois la durabilité et la résilience.

Conclusion

Le transport intermodal, si doté de stratégies de consolidation efficaces, offre un avenir potentiel de transport de marchandises plus durable et plus résilient. Cette recherche présente une modélisation visant à évaluer la durabilité et la résilience des réseaux de transport intermodal. Les résultats montrent que des investissements, même modestes en préparation et en rétablissement, peuvent entraîner des bienfaits importants, ce qui en fait un outil précieux pour les gestionnaires du secteur des transports.

Complément d’information

Pour plus d’informations sur cette recherche, veuillez lire l’article suivant : Hasani Goodarzi et al. (2024).

Références

  Chen, L., & Miller-Hooks, E. (2012). Resilience: An Indicator of Recovery Capability in Intermodal Freight Transport. Transportation Science, 46(1), 109-123. doi:10.1287/trsc.1110.0376

Hasani Goodarzi, A., Jabbarzadeh, A., Fahimnia, B., & Paquet, M. (2024). Evaluating the sustainability and resilience of an intermodal transport network leveraging consolidation strategies. Transportation Research Part E: Logistics and Transportation Review, 188. doi:10.1016/j.tre.2024.103616

IEA. (2023). Greenhouse Gas Emissions from Energy. Retrieved from https://www.iea.org/data-and-s...

Nocera, F., Contento, A., & Gardoni, P. (2024). Risk analysis of supply chains: The role of supporting structures and infrastructure. Reliability Engineering & System Safety, 241. doi:10.1016/j.ress.2023.109623

Ranaiefar, F., & Amelia, R. (2011). Freight-Transportation Externalities. In Logistics Operations and Management (pp. 333-358).

Statista. (2023). Statista Research Department. Retrieved from https://www.statista.com/topic...

Wang, H., Sun, B., & Chen, L. (2022). An optimization model for planning road networks that considers traffic noise impact. Applied Acoustics, 192. doi:10.1016/j.apacoust.2022.108693