
Durant les années cinquante, on a retiré les tramways pour se lancer dans la construction d’autoroutes, structurant les villes autour de l’auto. La logique sociale de l’époque associait le transport collectif aux gens qui n’avaient pas les moyens de se payer une voiture. « Là, il faut opérer un retour du balancier », soutient Francis Marleau Donais, professeur en génie urbain au département de génie de la construction de l’ÉTS.
Un urbagénieur convaincu
Détenteur d’un baccalauréat en génie civil, Francis oriente ensuite ses études de maîtrise et de doctorat en aménagement du territoire. Il aurait pu être urbaniste. Il a décidé d’être ingénieur, ou plutôt « urbagénieur ». Si le génie civil intervient au niveau des infrastructures, l’urbanisme façonne l’organisation spatiale d’une municipalité. Or, le génie urbain tient compte également des aspects environnementaux, du réseau collectif des transports ainsi que du volet social. « On vient agir sur le milieu de vie global de l’humain », souligne Francis Marleau Donais.
Le vélo le mène à Québec
Natif de Saint-Jean-sur-Richelieu, Francis se déplace en vélo. Ses longues randonnées, parfois d’une centaine de kilomètres, lui permettent d’observer l’agencement des espaces urbains. Pourquoi les feux de circulation fonctionnent-ils de cette manière? Pourquoi a-t-on installé une piste cyclable ici plutôt que là? Il aimerait que ce soit mieux planifié. Le domaine du transport a toujours fasciné le jeune Francis. Et s’il a opté pour des études en aménagement du territoire aux cycles supérieurs, il a quand même pu se spécialiser dans son champ d’intérêt.
Durant son parcours universitaire, Francis effectue plusieurs stages en génie civil, notamment au bureau du projet de l’échangeur Turcot en 2011. Puis durant sa maîtrise et son doctorat, il collabore avec la Ville de Québec lors d’un projet d’urbanisme. Ce projet modifie sa perception du rôle des ingénieurs. L’équipe applique des méthodes d’analyse multicritère afin de prioriser la réalisation de rues conviviales. Par la suite, la Ville de Montréal fera appel à l’expertise de Francis pour développer un outil similaire.
L’analyse multicritère, un outil d’aide à la décision

Québec compte 21 000 segments de rues; Montréal, 47 000. Réunir plusieurs spécialités autour d’une table pour accorder la priorité à quelques rues parmi des milliers exige une souplesse d’esprit et une volonté de trouver des compromis. « Il s’agit non seulement de bâtir un modèle qui déterminera les critères de bases permettant de privilégier un aménagement spécifique, mais surtout d’aider les experts à développer une vision commune », explique Francis Marleau Donais.
Mais pourquoi est-ce si cher de construire au Québec? Un réseau de tramway de vingt-neuf kilomètres coûte deux milliards en banlieue de Copenhague, mais onze milliards dans la ville Québec1. Quand les coûts explosent à ce point, les politiciens hésitent à investir dans ce genre de projets. Pourtant, la transition écologique s’impose.
Certes, on peut construire des kilomètres de métro, de tramways et de pistes cyclables, mais sans une transformation profonde des comportements, l’adaptation s’annonce difficile. Les autos électriques ne réduiront pas la congestion sur les routes. Francis Marleau Donais met de l’avant plusieurs solutions pour financer le transport collectif, dont la taxe kilométrique.
« À titre d’ingénieur urbain, on doit se demander de quelle façon on pourrait favoriser le changement d’habitude par l’aménagement des infrastructures. » Francis a bien l’intention d’intégrer cette problématique dans ses cours. Inciter les ingénieurs et ingénieures à descendre de leur tour d’ivoire ne peut que rendre leurs projets plus innovants.
L’enseignement, un penchant naturel
Francis Marleau Donais aime enseigner depuis son tout jeune âge. Tuteur et auxiliaire d’enseignement durant ses études au baccalauréat, puis chargé de cours à l’Université Laval et à l’Université de Montréal, il accepte un poste de professeur en génie urbain à l’ÉTS en 2024. Il souhaite que ses étudiants et étudiantes retiennent l’importance d’intégrer la réalité quotidienne des citoyens dans leur pratique.
« Lorsqu’on intervient dans le cadre urbain, on vient jouer dans le milieu de vie des gens. Il faut donc les inclure dans l’élaboration des projets. Cela fait partie de la responsabilité sociale des ingénieurs et ingénieures », conclut le professeur Francis Marleau Donais.
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1. Pelletier, Émilie. « Scandaleux » de payer plus cher les tramways qu’en Europe. Le Soleil. March 27, 2023.