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Comment mesurer cet effet qui rend votre voix caverneuse?

Pexels. Image libre de droit.

RÉSUMÉ:

L’effet d’occlusion survient lorsque les oreilles sont occluses par des protecteurs auditifs. Cet effet est souvent décrit comme une perception amplifiée et déformée des bruits physiologiques, tels que sa propre voix, pouvant être perçue comme plus grave et caverneuse. Malheureusement, cette source d’inconfort peut amener les travailleurs et les travailleuses à mal utiliser, voire même à enlever leurs protecteurs. Il n’existe pas encore de méthodologie de mesure ou d’indicateur standardisé de l’effet d’occlusion pouvant être utilisé par les hygiénistes du travail pour offrir de la formation sur l’installation de protecteurs auditifs, de manière à minimiser ces inconforts. Découlant d’une campagne de mesure en laboratoire auprès de volontaires, cet article présente une méthodologie de mesure objective de l’effet d’occlusion, à l’aide de microphones miniatures, adaptée pour le terrain. Mots-clés : Effet d’occlusion, inconfort acoustique, protecteurs individuels contre le bruit.

L’effet d’occlusion et les protecteurs auditifs individuels contre le bruit

La surdité professionnelle est la maladie au Québec la plus recensée et la plus coûteuse pour la société québécoise. Pour diminuer les risques de surdité, les travailleuses et les travailleurs exposés à des niveaux de bruit élevés doivent être protégés. Bien souvent, la dernière ligne de défense contre le bruit est l’utilisation de protecteurs individuels contre le bruit (PICB). Ces derniers peuvent cependant générer des inconforts, dont l’effet d’occlusion, typiquement décrit comme une perception amplifiée et déformée des bruits physiologiques comme la parole, la mastication ou les battements du cœur. À cause de l’effet d’occlusion, sa propre voix peut sembler grave, caverneuse, étouffée, ou bien comme si l’on parlait dans un tonneau. Si vous lisez ce texte en bouchant vos oreilles avec le bout des doigts, vous percevrez ces changements. Lorsque les inconforts générés par l’effet d’occlusion deviennent trop importants, certaines personnes peuvent tenter de les atténuer en utilisant incorrectement, ou même en retirant leurs PICB. En conséquence, l’efficacité de ces derniers s’en trouve réduite de façon importante, ce qui augmente le risque d’être exposé à un niveau de bruit dangereux pouvant mener à de la surdité professionnelle.

L’une des stratégies pour pallier ce problème consiste à offrir des outils de mesure de l’effet d’occlusion aux hygiénistes du travail, afin qu’ils puissent former le personnel exposé aux bruits à la bonne méthode d’insertion des PICB, pour assurer une réduction tant de l’effet d’occlusion que des bruits de l’environnement de travail. Malheureusement, contrairement aux systèmes commerciaux qui permettent d’évaluer en milieu de travail l’atténuation sonore découlant de l’insertion d’un PICB [1], il n’existe pas d’outils pour faire ce type de mesure sur l’effet d’occlusion. Il faut donc commencer par le quantifier.

L’effet d’occlusion se manifeste, en plus des inconforts associés, par une augmentation de la pression sonore dans le conduit auditif occlus par PICB : des microphones miniatures placés dans le conduit peuvent donc être utilisés comme instrument de mesure. Bien que cette technique soit simple et pratique, il n’existe à ce jour pas de norme ni de consensus dans la littérature sur la méthodologie de mesure objective à cet effet. On peut donc se poser les deux questions suivantes : (i) comment doit-on mesurer l’effet d’occlusion avec des microphones? (ii) est-ce que l’amplitude des signaux de pression sonore mesurés pourrait permettre de prédire le niveau d’inconfort vécu? Dans le cadre de cette étude, on se penche sur la première des deux questions en proposant une méthodologie de mesure objective de l’effet d’occlusion, robuste et adaptée à l’utilisation en milieu de travail.

Volontaire subissant un test de mesure objective de l’effet d’occlusion

Figure 1 : Banc d’essai dans la cabine audiométrique du laboratoire ICAR à l’ÉTS. Dans cette photo, l’expérimentateur installe un dispositif microphonique dans l’oreille de la participante pour mesurer les niveaux de pression sonore à l’intérieur et à l’extérieur de ses oreilles, lorsque l’effet d’occlusion est généré avec sa propre voix ou avec un ossivibrateur placé sur le crâne.

Analyse expérimentale de l’effet d’occlusion avec volontaires

Trente volontaires ayant une audition normale ont participé individuellement à des mesures faites dans la cabine audiométrique du laboratoire ICAR à l’ÉTS, selon un protocole expérimental validé par le comité d’éthique de l’ÉTS (certificat H20180402). Lors des mesures, plusieurs types d’excitation et de méthodes de mesures des niveaux de pression sonore ont été comparées. Les participantes et participants ont dû produire certaines excitations eux-mêmes en énumérant des nombres aléatoires, en vocalisant un son (par exemple la voyelle \i\) ou en mastiquant une gomme à mâcher. Une excitation externe a aussi été produite par un ossivibrateur, un transducteur électromécanique vibrant placé sur le crâne, qui génère des vibrations transmises jusqu’à l’oreille par la conduction à travers les os et les tissus du crâne. La pression sonore à l’intérieur et à l’extérieur de l’oreille, avec et sans bouchon, a été mesurée à l’aide d’oreillettes microphoniques développées à l’ÉTS [2, 3]. Finalement, plusieurs indicateurs simples ont été comparés : certains basés sur une moyenne de l’effet d’occlusion dans une plage de fréquence et d’autres, sur sa valeur à une fréquence précise (par exemple, à 250 Hz).

Oreillettes utilisées pour mesure l’effet d’occlusion

Figure 2 – Oreillettes de mesures munies de microphones miniatures pour mesurer le niveau de pression sonore à l’intérieur et à l’extérieur du conduit auditif [2, 3]. (a) Oreillette dite « protégée » munie d’un bouchon qui génère un effet d’occlusion. (b) Oreillette dite « ouverte » qui permet de mesurer dans le conduit auditif sans toutefois générer un effet d’occlusion.

Résultats principaux et retombées industrielles

L’analyse des différentes configurations de mesures a permis de retenir une méthodologie, choisie pour sa robustesse, et basée sur la mesure des niveaux de pression sonore de chaque côté du bouchon (à l’intérieur et à l’extérieur du conduit auditif) pendant que la personne utilise sa propre voix pour générer l’effet d’occlusion. En plus de présenter une excellente répétabilité et d’être à priori adaptée pour le terrain étant donné sa simplicité d’utilisation, cette méthode permet de calculer rapidement un indicateur d’effet d’occlusion dans chaque oreille à partir d’une seule mesure. D’un point de vue pratique, une telle approche, intégrée à un outil de formation, permettrait aux travailleurs et travailleuses d’obtenir une rétroaction directe sur l’effet d’occlusion mesuré dans chacune de leurs oreilles et de pouvoir ajuster le positionnement des PICB afin de le minimiser. Par ailleurs, la méthode retenue pourrait être utilisée par les manufacturiers dans les phases de développement et d’essai de nouveaux PICB à effet d’occlusion réduit.

Les prochaines étapes du projet consistent à réaliser une étude en laboratoire comme objectifs (i) de mieux comprendre les facteurs qui influencent l’inconfort associé à l’effet d’occlusion (par exemple, la profondeur d’insertion du bouchon, le type de bouchon, le niveau de bruit environnant), et (ii) de déterminer un indicateur objectif (obtenu par la méthode de mesure microphonique retenue ici) pouvant être corrélé à l’inconfort vécu. Avec cet outil, les manufacturiers pourront développer de nouveaux PICB plus confortables et les hygiénistes du travail, améliorer la formation offerte pour positionner les PICB de manière optimale.

Information supplémentaire

Pour plus d’information sur cette recherche, consulter l’article suivant : Saint-Gaudens, H., Nélisse, H., Sgard, F., & Doutres, O. (2022). Towards a practical methodology for assessment of the objective occlusion effect induced by earplugs. The Journal of the Acoustical Society of America, 151(6), 4086-4100.

À propos des auteurs
Hugo Saint-Gaudens is a PhD student in the Department of Mechanical Engineering at ÉTS. His research project at GRAM focuses on the objectivation of the occlusion effect to predict associated discomforts from microphone measurements in the earcanal.
Hugues Nélisse is a Researcher at IRSST and Associate Professor in the Department of Mechanical Engineering at ÉTS. His research focuses on assessing and reducing noise at the source, dosimetry, hearing protection and alarm signals in the workplace.
Franck Sgard is a Senior Researcher at IRSST and Associate Professor in the Department of Mechanical Engineering at ÉTS. His research focuses on modelling hearing protection and acoustic materials, and developing prediction and measurement tools for noise control.
Olivier Doutres is a professor in the Department of Mechanical Engineering at ÉTS and director of GRAM. His research focuses on the reduction of noise in the workplace and its harmful effects on health. As main approaches, he studies hearing protectors, innovative acoustic materials and techniques for locating noise sources.