Il suffit de quelques minutes de discussion avec Francis Bordeleau pour comprendre que l’amélioration des processus est centrale dans ses quêtes de chercheur. En fait, le professeur de génie logiciel et de TI appréhende de grands pans de notre société avec ce regard.
« J’ai toujours été plus intéressé par le processus que par ses résultats », lance le directeur de la Chaire de recherche industrielle Kaloom-TELUS, qui cherche à accroître l’efficacité des processus logiciels, notamment en facilitant l’implantation de la méthodologie DevOps.
Le «processus » est donc ce qui a orienté ses travaux de recherche. « La transformation numérique – et plus récemment la pandémie – a mis en relief un besoin grandissant d’agilité de la part des entreprises dans la révision et puis l’adaptation des processus pour répondre aux nouvelles demandes. Et il n’y a pas de chemin tout tracé pour s’adapter à ces changements. »
La voie se trace en partie dans l’amélioration continue par l’automatisation. « Ce qui prenait des semaines de travail avec du personnel ne prend dorénavant que quelques minutes, ce qui permet de dégager les “humains” pour les concentrer sur des tâches créatives ou à valeur ajoutée. »
Un « processus » de carrière
Fort de cette posture d’amélioration continue, il analyse d’ailleurs son parcours professionnel comme une suite d’enrichissements qu’il a choisis au fil des portes qui s’ouvraient devant lui. « On arrive à des points de branchement, on mesure les impacts, on prend la gauche ou la droite, mais surtout, on s’assure d’apprendre du chemin parcouru! »
Et ce chemin, pour Francis Bordeleau, est loin d’être linéaire, justement, comme il aime cela. Il a d’abord enseigné à l’université (UQO et Carleton), puis a travaillé chez Nortel et Eriksson, entre autres pour créer des outils de modélisation logicielle, et a même fondé une entreprise, qu’il a vendue il y a quelques années. Il est revenu à l’enseignement universitaire en 2018, cette fois à l’ÉTS, et interagit encore aujourd’hui avec des entreprises internationales.
Ce double chapeau industrie-université l’amène à établir des liens devenus naturels au fil des années de collaboration. « Si on veut qu’une entreprise s’implique dans nos travaux, notre objectif ne doit pas être la publication d’articles scientifiques. Même chose pour l’entreprise qui ne doit pas s’imaginer que l’université va développer des produits à sa place. »
Il n’est d’ailleurs pas fanatique de la tendance forte à mettre l’accent sur les publications comme mesure de travail accompli. Pour lui, la recherche est un fascinant travail de réflexion et de structuration des idées. « Même les lourdes tâches administratives nous aident dans ce processus en nous forçant à définir tous les contours de notre projet! »
Les jeunes, la passion et l’humilité
C’est dans ce contexte qu’il affirme que le chercheur doit faire preuve d’humilité. « À commencer par reconnaître l’importance du regard des jeunes pour faire avancer nos processus. Grâce à leurs connaissances du gaming et d’autres applications, ils ont parfois une longueur d’avance sur les chercheurs. »
Il veut amener les étudiants et étudiantes à travailler dans un contexte de collaboration dans lequel ils et elles pourront apporter une valeur réelle dans l’amélioration de l’entreprise. « Nous ne sommes pas là pour régler les problèmes des organisations, mais pour les aider à les solutionner. »
Humilité aussi face au travail des chercheurs, qu’il qualifie de contribution et, oui, s’inscrivant dans un processus continu d’interactions. « La science ne nous dit pas quoi faire, elle fournit des chercheurs qui travaillent sur des projets, qui réfléchissent et produisent des informations pour éclairer la prise de décision des gouvernements, des entreprises, des citoyens. »
Comme aime le dire ce spécialiste du génie logiciel : « Le succès n’est pas binaire! »