Amener l’aviation à l’ère du transport intelligent
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Le transport aérien brûle de grandes quantités de kérosène et ses émissions contribuent au réchauffement climatique et à la destruction de la couche d’ozone. De plus, son impact environnemental ne se limite pas au rejet de polluants dans l’atmosphère. En effet, le bruit généré par les moteurs d’avion lors des procédures de décollage et de départ est aussi une autre source de pollution dont la population vivant près des aéroports fait les frais.
La croissance du trafic aérien est telle que les gains de performance des avions de nouvelle génération, en économie de carburant et en atténuation du bruit, ne suffisent pas pour atténuer l’impact environnemental qu’il occasionne. Certaines études avancent même que les émissions de gaz à effet de serre liés à ce secteur pourraient passer de 2 % à 18 % d’ici 2037.
Depuis plusieurs années, les chercheurs du LARCASE de l’ÉTS étudient des technologies prometteuses pour réduire les émissions des avions, comme l’optimisation des trajectoires et l’aile déformable. Ils élargissent maintenant leur champ d’action en misant sur les avancées fulgurantes de l’intelligence artificielle dans le domaine de l’automobile. Leur objectif : en faire profiter le secteur aéronautique.
Rendre les systèmes avioniques plus intelligents
L’évaluation des performances d’un avion en vol se fait au moyen d’un modèle mathématique implanté dans le système de gestion de vol. La puissance de calcul restreinte de ce dernier limite la complexité des modèles pouvant être utilisés : les résultats obtenus sont donc teintés d’incertitudes assez importantes dès le départ. Avec le temps, la poussière et l’usure normale des moteurs, l’écaillement de la peinture, les collisions avec les insectes et autres viendront augmenter la traînée de l’avion, diminuant ses performances réelles d’environ 3 % par année. Le modèle mathématique immuable, implanté lors de la mise en service, verra donc ses résultats de plus en plus faussés au cours de la vie utile de l’avion, d’autant plus qu’elle est longue : de 20 à 50 ans!
L’intelligence artificielle a été largement exploitée dans le domaine automobile afin « d’apprendre » le comportement des voitures et les réactions humaines. Ces algorithmes, alimentés de toutes les données des systèmes avioniques, pourraient être adaptés pour raffiner la précision du modèle implanté dans le gestionnaire de vol. Ainsi, la précision du modèle augmenterait avec les heures de vol au lieu de diminuer.
Cette approche ouvre la voie à d’autres possibilités, dont la maintenance prédictive. En effet, à la suite d’une légère déviation entre les prédictions du modèle et les performances réelles de l’avion, l’analyse des données pourrait conclure à une usure anormale d’un moteur, par exemple.
Aussi, une autre application pouvant découler des données de vol et de l’intelligence artificielle est l’adaptation du pilote automatique au style de conduite du pilote. Cette personnalisation de la loi de commande ferait en sorte que l’avion réponde davantage de la façon souhaitée aux commandes du pilote.
Automatiser les trajectoires au sol
Malgré la pandémie de Covid-19, on s’attend à ce que le nombre d’avions en circulation augmente de façon très importante. La circulation dans les aéroports ne fera donc qu’augmenter, compliquant la logistique et la circulation des avions au sol (taxi). Afin de minimiser la consommation de carburant et le bruit produit par ces avions, les chercheurs du LARCASE comptent utiliser l’intelligence artificielle pour guider les avions vers le meilleur chemin pour atteindre la piste de décollage ou l’aérogare, selon les entraves et la circulation des autres avions, un peu comme Google Maps le fait pour les automobilistes. Pour y arriver, on mise sur l’exploitation des données ASD-B (automatic dependent surveillance-broadcast), lesquelles permettent de connaître la position de tous les avions en temps réel à l’intérieur d’un certain rayon.
En couplant la vision artificielle à une trajectoire GPS, les déplacements au sol deviendraient de plus en plus autonomes et efficients, minimisant ainsi les risques d’accident. En effet, les collisions au sol représentent plus de 10 % des accidents impliquant des avions. L’objectif au final serait que l’analyse de ces données complexes et en constant changement fournies par le système ASD-B permette à l’autopilote de prendre entièrement les commandes lorsque l’avion est au sol.
Un passage obligé
Au cours des prochaines années, le nombre d’avions en service devrait augmenter de 39 000. La capacité d’accueil des aéroports pour accommoder tous ces avions passe en partie par une meilleure efficacité, faute de quoi le temps d’attente, la pollution et le bruit ne feront que croître. L’avenir de l’aviation passe par l’automatisation.