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Gestion de l’innovation Recherche et innovation Les technologies pour la santé

Produire nos innovations médicales chez nous

Robotique en medtech

Achetée sur GettyImages. Droits d’auteur.

L’innovation dans le secteur medtech est une priorité stratégique du gouvernement québécois. Ses programmes de financement en témoignent. Cependant, seriez-vous déçu de savoir que beaucoup de nos innovations médicales sont produites ailleurs?

Pourtant, le Québec aurait intérêt à ce que ses entreprises fabriquent ses technologies médicales ici. Les sources de financement offertes et nos nombreux établissements universitaires font du Québec un terreau fertile pour la R. et D. Certains programmes de financement remboursent les dépenses de production et les études de performance nécessaires à l’obtention d’une homologation régulatoire. Par exemple, Kinova® est une entreprise qui réussit à en profiter en fabriquant à l’interne, mais cette solution n’est pas viable pour tout le monde. Beaucoup se tournent vers la sous-traitance et, malheureusement, certains programmes refusent de rembourser la production d’importation.

Cette mesure est loin d’avoir un effet dissuasif puisque les sous-traitants locaux adéquats ayant une certification ISO 13485 se font très rares. À contrario, on trouve des centaines de contractants manufacturiers américains spécialisés en medtech.

Afin de mieux comprendre la problématique, je me suis entretenu avec différents acteurs du système national d’innovation, du secteur medtech et du secteur manufacturier.

Diversification

La pandémie COVID-19 a nui à certains secteurs économiques, notamment l’industrie aéronautique, mais ce secteur est déjà réputé pour sa sensibilité aux cycles économiques. Des investissements du gouvernement visent à diversifier cette industrie pour pallier ce problème. Se lancer dans la fabrication de dispositifs médicaux peut justement être une occasion de diversification. En effet, beaucoup de dispositifs médicaux sont produits avec les mêmes procédés de fabrication que les aéronefs. Aussi, le secteur medtech doit se conformer à la norme ISO 13485, qui s’inspire de l’ISO 9001 et qui est répandue dans plusieurs secteurs, dont l’aéronautique.

Réalité virtuelle en medtech

Le risque pour les manufacturiers

La compagnie NSE Automatech® est un rare exemple d’entreprise desservant à la fois l’aéronautique et le medtech. J’ai appris lors d’une rencontre avec des membres de NGen que bien des manufacturiers ne perçoivent pas le secteur medtech comme un secteur à fort potentiel de croissance. C’est que, en comparaison avec les grandes entreprises américaines comme Medtronic® ou GE Healthcare®, les entreprises québécoises sont surtout des PME qui représentent un risque pour les manufacturiers. Ces PME ne créent pas une demande aussi importante. Beaucoup sont encore en phase de démarrage; le volume de production dont elles ont besoin vise seulement à réaliser des études de performance.

Même si le marché qu’elles visent promet de forts volumes de vente, il n’y a aucune garantie de succès. Une PME peut ne pas obtenir d’approbation régulatoire et manquer de liquidités ou de main-d’œuvre avant même de commencer la commercialisation. De plus, plusieurs startups medtech sont composées de chercheurs provenant du secteur universitaire et n’ont pas nécessairement des compétences en administration des affaires ou en marketing. Les manufacturiers préfèrent donc se tourner vers des clients qui peuvent garantir des carnets de commandes et un succès commercial.

 

Potentiel commercial des innovations

Les critères d’admissibilité pour le financement d’un dispositif médical à un niveau de maturité technologique (TRL) 1 à 6 portent souvent sur le potentiel commercial. Cependant, le financement soutient principalement les activités de la R. et D., donc le produit, mais pas le développement du système d’affaires : modèle de profit, réseau d’affaires, structure organisationnelle, procédés internes, service client, canaux, image de marque, engagement client. Si les entrepreneurs étaient plus soutenus pour bâtir un système d’affaires robuste d’entrée de jeu, les entreprises atteindraient une maturité organisationnelle plus rapidement et la confiance de possibles partenaires serait plus facile à gagner. Le risque serait réduit du point de vue des manufacturiers.

Prenons par exemple les programmes suivants (TRL 1 à 6).

 

Les experts du financement public que j’ai rencontrés sont d’accord pour dire que les programmes les plus efficaces sont ceux qui prônent la collaboration industrielle. L’organisation à but non lucratif NGen l’a compris : ses programmes requièrent des partenariats. Les manufacturiers désirant se lancer dans la fabrication de dispositifs médicaux sans assumer 100 % du risque ont intérêt à s’unir à d’autres manufacturiers pour augmenter l’offre canadienne. Ce serait profitable pour eux et leurs nouveaux clients. Il faut aussi mettre de l’avant nos avantages pour attirer des clients étrangers : taux de change, coût d’électricité faible, main-d’œuvre qualifiée, accords de libre-échange. À l’inverse, imaginons cinq entreprises innovantes s’unissant pour dénicher un ou plusieurs manufacturiers complémentaires qui cherchent à se diversifier avec le medtech. Le risque s’en trouve réduit pour le manufacturier par l’apport de cinq clients d’un coup et ce modèle est bien aligné avec les programmes Projets pilotes et études de faisabilité ou Création de grappes de NGen (50 à 500 k$). Le programme Projets de la Supergrappe s’adapte aux collaborations entre cinq PME et plus pour des projets allant jusqu’à 20 M$. Cependant, il est utopique de penser que ce maillage industriel se produira sans chef d’orchestre. Les consortiums et organisations sectoriels sont les mieux placés pour opérer ce maillage intersectoriel : MEDTEQ+, Medtech Canada, NGen, AÉRO Montréal, M&EQ, CTMA, etc.

Maillage et accompagnement

Le rôle des consortiums est de dénicher les entreprises qui travaillent en silo alors qu’elles pourraient se présenter en grappes. Ces consortiums et organisations sectoriels doivent communiquer entre eux pour créer des synergies. Le problème des uns peut devenir la solution des autres : les PME manufacturières de l’aéronautique qui désirent diversifier leurs activités pourraient combler le besoin des entreprises medtech désirant sous-traiter localement.

Pour reprendre l’exemple des PME manufacturières de l’aéronautique, encore faut-il les accompagner dans l’effort de certification ISO 13485, qui précise les exigences des systèmes de gestion de la qualité pour l’industrie des dispositifs médicaux. Pour certaines, il s’agit seulement d’une mise à niveau par rapport à leur certification ISO 9001. La Banque de Développement du Canada (BDC) offre un programme d’encadrement à la certification, mais la norme ISO 13485 n’est pas mentionnée sur leur site Web. J’ai appris d’un entrepreneur manufacturier que la BDC n’a qu’une seule personne dédiée à cette norme et elle vit à Ottawa. L’entreprise de consultation AVISIO Qualité a exprimé sa volonté d’aider des fabricants à obtenir leur certification, mais elle ne peut les référer à aucun programme conçu à cet effet.

Il semblerait qu’un manufacturier ne puisse pas évoluer dans le secteur medtech à temps partiel puisque ce secteur a ses particularités. Une startup en medtech se développe à un rythme différent des autres secteurs, les marchés sont très segmentés, etc. Les fabricants doivent comprendre cette réalité pour offrir des services de qualité et développer les bonnes attentes. Ça demande de la formation, un accès aux leaders d’opinion, une présence dans les salons medtech et donc, idéalement, la création de filiales dédiées.

Alignement stratégique

Les idées exprimées ci-haut s’alignent avec la stratégie de recherche et d’investissement en innovation 2022-2027 du gouvernement du Québec. Cette stratégie a comme objectif de soutenir l’approvisionnement auprès des entreprises innovantes québécoises. En plus de s’approvisionner auprès des entreprises medtech québécoises, assurons-nous aussi que leurs innovations soient produites chez nous!

À propos des auteurs
Louis-Philippe Caron est ingénieur biomédical avec 10 ans d'expérience combinée en aéronautique et medtech. Étudiant de 2e cycle en gestion de l’innovation à l’ÉTS, il travaille sur le système MIScoli chez Spinologics (traitement de la scoliose chez les adolescents) en plus de mener un projet d'innovation dans sa propre entreprise EnviroSciences.Tech.
Stéphane Lacharité est un économiste qui œuvre au sein du gouvernement Québec depuis 23 ans dans le domaine de politiques publiques. Il enseigne, à titre de chargé de cours, le financement de l’innovation et le démarrage de projets technologiques, dans le cadre du programme de Gestion de l’innovation à l’ÉTS depuis 2010